Révisions : entraînement à la dissertation (sujets de 2de et de 1ère)

Le roman et ses personnages : visions de l'homme et du monde (EAF)


Au
"transparent glacier des vols qui n'ont pas fui", Stéphane Mallarmé



L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible", Paul Klee






Qui a peint ce "petit pan de mur jaune" ?
Dans quel roman est-il mis en abyme ?


"Ut pictura poesis"


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"Les meilleurs livres sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié", Voltaire

Entraînement à la dissertation : le choix de l'exemple littéraire (André Gide, Les FM)

Sujet du bac blanc de 1ère ES 1 :

On a souvent reproché au roman d'entretenir les rêves et les illusions du lecteur.

Ce reproche vous paraît-il fondé ?

L'étude des FM peut introduire à tout un courant du roman français contemporain.

"Comment peut-on encore écrire des romans, quand se désagrège autour de nous notre vieux monde, quand je ne sais quoi d'inconnu s'élabore, que j'attends, que j'espère, et que de toute mon attention j'observe lentement se former."Journal d'André Gide, 1932

Les Faux-Monnayeurs, un "anti-roman" ?

"Il s'agit de contester le roman par lui-même, de le détruire sous nos yeux dans le temps qu'on semble l'édifier, d'écrire le roman qui ne se fait pas, qui ne peut pas se faire." Sartre, 1947

A la différence de son ami Roger Martin du Gard qui puise à la source du roman "fleuve" traditionnel (cf. "topique balzacien" du roman d'apprentissage réaliste), Gide veut déranger le lecteur dans ses habitudes, c'est pourquoi il travaille pendant six ans à l'élaboration d'un roman "agressif" et "difficile", à l'image du personnage d'Alfred Jarry mis en abyme dans la scène du banquet des Argonautes.

"C'est ainsi que Gide, dans le Journal des Faux-monnayeurs, définit ses intentions et le mode d'emploi de son roman : c'est un livre agressif, qui veut l'inconfort du lecteur, qui le dérange dans ses habitudes, c'est un livre difficile. [...] Comme les textes du "nouveau roman", comme certaines oeuvres de l'art cinématographique, comme le "théâtre vivant", Les FM exige du public une participation active, un effort de découverte et même de reconstruction[...]."

Geneviève Idt, Profil d'une oeuvre

Gide et les prémisses du "nouveau roman" :

André Gide remet en cause dans son roman ce que Roland Barthes appelle "l'illusion référentielle" Roland Barthes dans Littérature et réalité. Il tourne en dérision les techniques romanesques qu'il utilise : la présentation indirecte des faits, par exemple, détruit l'illusion romanesque, les "effets de réel" du roman réaliste.

cf. "Le roman du roman" , " le roman des romans" : Gide et la figure de Protée, Gide et l'art de la fugue.

Problématique : André Gide va-t-il aussi loin qu'il le prétend dans sa contestation par la mise en cause intérieure d'une société et de son langage ?

cf. L'Humanisme de Gide ; Gide et le Classicisme.

[cf. http://tempoepoesie.blogspot.com : "Défense du poète", Alain Bosquet, Sonnets pour une fin de siècle]

La lecture des Faux-Monnayeurs d'André Gide induit une démarche active du lecteur, ce qui proscrit le bovarysme. Le premier et seul roman que Gide considère comme tel a souvent été cité pour ses innovations techniques. Depuis que Sartre, en 1947, dans sa préface à Portrait d'un inconnu de Nathalie Sarraute, l'a classé parmi les "anti-romans", on le voit comme un précurseur du "nouveau roman".

"Tant pis pour le lecteur paresseux : j'en veux d'autres. Inquiéter, tel est mon rôle. Le public préfère toujours qu'on le rassure. Il en est dont c'est le métier. Il n'en est que trop."

André Gide, Le Journal des faux-monnayeurs

Contradictions, oxymores, paradoxes et palinodies (des tours, des contours, des détours et des retours) : récit sans sujet, systématique et désinvolte à la fois qui tourne en dérision les techniques romanesques qu'il utilise, une intrigue réduite à une combinatoire de jeux d'optique et de ruptures de ton désamorçant le lyrisme...

"C'est ainsi que Gide, dans le Journal des Faux-monnayeurs, définit ses intentions et le mode d'emploi de son roman : c'est un livre agressif, qui veut l'inconfort du lecteur, qui le dérange dans ses habitudes, c'est un livre difficile.

Non que le texte soit obscur [...] Le texte n'est difficile que parce qu'il se dérobe sous une apparence de gratuité, de facilité, de jeu. Son auteur lui souhaite des lecteurs patients [...] Seule une deuxième lecture ou une étude détaillée permet d'en comprendre l'intérêt. Comme les textes du "nouveau roman", comme certaines oeuvres de l'art cinématographique, comme le "théâtre vivant", Les FM exige du public une participation active, un effort de découverte et même de reconstruction[...].

Malgré ou à cause de son rythme rapide, Les FM ne captive pas comme les grands romans de la durée centrée autour de quelques personnalités vigoureuses* : c'est un récit éclaté, les fils de l'intrigue échappent. Les personnages éclairés de côté, déroutent; le ton change sans cesse, mais demeure ambigu, sans qu'on sache jamais si l'auteur se moque de ce qu'il écrit, sans qu'on puisse vraiment adhérer aux événements et aux personnages, toujours tenus à distance. Dans ces conditions, le texte intéresse plus qu'il ne touche, il incite à entrer dans un jeu intellectuel : il apparaît comme une construction démontable dont il est amusant de découvrir la mécanique."

Geneviève Idt, Profil d'une oeuvre

* Roger Martin du Gard, l'auteur d'une saga familiale : Les Thibault est l'ami d'André Gide qui lui dédicace ses Faux-Monnayeurs :

"A Roger Martin du Gard

je dédie mon premier roman

en témoignage d'amitié profonde"


1. Gide refuse le réalisme*, le récit discursif, et propose au lecteur une reconstruction du texte, comme presque tous les écrivains du "nouveau roman". Il élimine de son texte tous les détails concrets qui pourraient colorer un décor, faire durer le temps, donner à voir les personnages. Gide n'a pas d'imagination visuelle. De l'apparence physique de ses personnages, le lecteur ne sait rien ; ils sont réduits à leur voix, seule expression de leur pensée : "Pour moi, c'est plutôt le langage que le geste qui renseigne" (JFM, p.56)

* les "effets de réel"* sont systématiquement tournés en dérision : l'ironie et la palinodie préviennent toute identification possible du lecteur à une scène, un personnage.

[*cf. en perspective croisée avec le théâtre : "la mimesis"]

Problématique : Mais va-t-il aussi loin qu'il le prétend dans sa contestation par la mise en cause intérieure d'une société et de son langage ?

2. Gide relativise les points de vue, de sorte que toute vérité semble impossible à saisir.


Une écriture déroutante, vertigineuse, protéiforme : les ellipses, l'art du détour, du biais, d'une fausse clarté qui déroute et égare : une présentation indirecte des faits des glissements d'un point de vue à l'autre, l'insertion dans le roman de sa propre critique, l'ironie qui cache l'essentiel sous l'accessoire. ; cf. Gide et l'art de la fugue.

"L'impossible saisie de l'être par l'être tout entier", cf. le "Robinson moderne" des Histoires brisées de Paul Valéry = Paul-Ambroise (FM, chap. 4, 1èe partie)

(cf. Vertige de l'artiste entre Narcisse et Prométhée : les figures de Protée, dans Les FM et de Robinson dans Un nid pour quoi faire d'Olivier Cadiot)

3. Une écriture spéculaire : L'essentiel du texte repose sur une réflexion du roman sur lui-même, qui aboutit à sa propre négation.

"La fin du roman"," le roman des romans" ?

"Cette démarche va dans le même sens que les analyses de Blanchot ou de Sollers sur la mort de la littérature. Et la méfiance que Gide entretient à l'égard des mots, l'utilisation constante qu'il fait de la parodie et du pastiche, même si elles tournent court, peuvent préfigurer la contestation que le "nouveau roman" fait du langage." Geneviève Idt (Profil d'une oeuvre)


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Correction de la dissertation : le choix de l'exemple littéraire

On a souvent reproché au roman d'entretenir les rêves et les illusions du lecteur.

Ce reproche vous paraît-il fondé ?

Thèse : une mise en cause de la passivité du lecteur et du choix de ses lectures ; une critique du "bovarysme" et de ce qui le favorise.


"Mais les esprits faux ne sont jamais ni fins ni géomètres", Pascal

Sujet de dissertation (niveau 2de - n°8) : "Par un roman, on a entendu jusqu'à ce jour un tissu d'événements chimériques et frivoles, dont la lecture était dangereuse pour le goût et pour les mœurs". Que pensez-vous de cette définition du roman donnée par Diderot dans son "Eloge de Richardson", publié en 1761 dans le Journal étranger et croyez-vous qu'elle puisse s'appliquer aux romans que vous avez lus ou étudiés ?

Sujet de dissertation (niveau 2de n°4) : "La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver." Votre expérience de la lecture vous conduit-elle à souscrire à ce propos de Jean Guéhenno ?

par exemple : l'identification du lecteur de Robinson Crusoë au personnage de Robinson dans cet extrait de Jacques Vingtras de Jules Vallès. Le jeune lecteur, captivé par sa lecture des aventures de Robinson Crusoë perd ses repères. Il s'évade dans l'imaginaire de Daniel Defoe. Le lecture devient l'occasion d'un voyage fantastique. ce type de lecture n'est certes pas à proscrire, mais à limiter pour éviter de perdre tout contact avec la réalité, prévenir toute forme de bovarysme...


"Il est nuit. Je m’en aperçois tout d’un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? Quelle heure est-il ? Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s’effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d’un mot, puis plus rien.
J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d’une émotion immense, remué jusqu’au fond de la cervelle et jusqu’au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l’île, et je vois se profiler la tête longue d’un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l’espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l’horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l’éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain…La faim me vient : j’ai très faim. Vais-je être réduit à manger ces rats que j’entends dans la cale de l’étude ?"


Antithèse : "la vraie lecture"

Sujet de dissertation (niveau 2de n°4) : "La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver." Votre expérience de la lecture vous conduit-elle à souscrire à ce propos de Jean Guéhenno ?

L'entrée "en littérature" suppose non seulement une démarche active du lecteur mais aussi le choix de lectures qui la favorisent, suivant la définition de Voltaire :"Les meilleurs livres sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié".

ex : la lecture des Faux-Monnayeurs d'André Gide induit une démarche active du lecteur, ce qui proscrit le bovarysme.

Sujets de dissertation de 2de (n° 9, 10, 11)

Sujet n°9 : "Ceux qui croient que lire est une fuite sont à l'opposé de la vérité : lire, c'est être mis en présence du réel dans son état le plus concentré." Partagez-vous cette définition de la lecture donnée par Amélie Nothomb dans Antéchrista ? Justifiez votre réponse et illustrez-la à partir d'exemples précis empruntés à vos lectures.

Sujet n°10 :"Les lectures de l'adolescence ont beaucoup avancé ma formation. Il fut un temps où les personnages des romans m'étaient plus familiers et mieux connus que les humains. Julien Sorel, Fabrice Del Dongo, Rastignac, Emma Bovary, David Copperfield étaient mes compagnons d'esprit ; il m'arrivait de me guider sur eux." En comparant votre expérience de jeune lecteur à celle de Gabriel Chevallier, vous préciserez quel genre de rapports vous entretenez avec les héros de la fiction littéraire ou artistique.


Synthèse : le "pas de deux" du romancier et de son lecteur suivant une esthétique de l'accueil et de la rencontre; l'entrée dans le laboratoire d'écriture du romancier.

Sujet n°11 :"J'ai essayé de faire de vous de bons lecteurs, qui lisent non dans le but infantile de s'identifier aux personnages du livre, ni dans le but adolescent d'apprendre à vivre, ni dans le but académique de s'adonner aux généralisations. J'ai essayé de vous apprendre à lire les livres pour leur forme, pour leurs visions, pour leur art. J'ai essayé de vous apprendre à éprouver un petit frisson de satisfaction artistique, à partager non point une émotion des personnages du livre, mais les émotions de son auteur. Les joies et les difficultés de la création. Nous n'avons pas glosé autour des livres, à propos des livres, nous sommes allés au centre de tel ou tel chef-d'œuvre, au cœur même du sujet." Vous direz quelles réflexions ces propos de l'écrivain Vladimir Nabokov à ses étudiants vous inspirent en vous référant à votre pratique personnelle des textes littéraires et en vous appuyant sur des exemples précis.

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"La lecture d'un ouvrage littéraire n'est pas seulement, d'un esprit dans un autre esprit, le transvasement d'un complexe organisé d'idées et d'images, ni le travail actif d'un sujet sur une collection de signes qu'il a à réanimer à sa manière de bout en bout, c'est aussi, tout au long d'une visite intégralement réglée, à l'itinéraire de laquelle il n'est nul moyen de changer une virgule, l'accueil au lecteur de quelqu'un : le concepteur et le constructeur, devenu le nu-propriétaire, qui vous fait du début à la fin les honneurs de son domaine, et de la compagnie duquel il n'est pas question de se libérer." Julien Gracq, En lisant en écrivant

Sujet n°22 : Pensez-vous avec André Malraux que le rôle de l’écrivain est de « tenter de donner conscience à des hommes de la grandeur qu’ils ignorent en eux » ? Vous illustrerez et discuterez cette définition d’André Malraux à partir d’exemples littéraires.

"Il était mort. Mort à jamais ? Qui peut le dire ? Certes les expériences spirites pas plus que les dogmes religieux n'apportent la preuve que l'âme subsiste. Ce qu'on peut dire, c'est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d'obligations contractées dans une vie antérieure ; il n'y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l'artiste athée à ce qu'il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l'admiration qu'il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Ver Meer -- Toutes ces obligations, qui n'ont pas leur sanction dans la vie présente, semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et dont nous sortons pour naître à cette terre, avant peut-être d'y retourner revivre sous l'empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nous en portions l'enseignement en nous, sans savoir qui les avait tracées -- ces lois dont tout travail profond de l'intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement -- et encore !-- pour les sots. De sorte que l'idée que Bergotte n'était pas mort à jamais est sans invraisemblance." Marcel Proust, La Prisonnière.

Vermeer de Delft, Vue de Delft (1661)

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"L'art n'est pas une question de technique, mais de vision", Marcel Proust, Le Temps retrouvé

ENQUETE : Le roman et ses personnages : Visions de l'homme et du monde (EAF)

Une enquête "générationnelle" sur la place du sujet dans l'histoire de la communication et des représentations

Comment et pourquoi écrire ?

Comment et pourquoi écrire... des romans ?

Comment et pourquoi écrire un roman aujourd'hui ?


"Tempo è galant'uomo", III, 5